Colloque du 9 décembre 2020 « Femmes, migration, violences de genre : faisons le point »

Aujourd’hui encore, nombreuses sont les femmes qui subissent différentes formes de violences liées au genre.

Ainsi, la Convention d’Istanbul (​Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique​) entrée en vigueur en Belgique en 2016, prévoit des dispositions relatives à la protection des femmes victimes de violences.

Ce texte prévoit aux articles 59 à 61, des dispositions spécifiques à l’égard des femmes étrangères demandeuses d’asile ou en situation de regroupement familial, qui doivent affronter les violences conjugales mais aussi parfois les violences administratives.

C’est afin d’échanger sur les enjeux et la mise en œuvre de ces dispositions que s’est tenu le colloque “​Femmes, migration, violences de genre : Faisons le point”​ du 9 décembre 2020, organisé par Le Collectif des Femmes et Synergie Wallonie.

Illustration montrant la liste des partenaires et le titre du colloque "Femmes, migration, violences de genres : faisons le point"

Quelques chiffres sur les violences de genre et sur les femmes en situation de migration

En Europe, une femme sur trois a subi des violences physiques de la part d’un partenaire ou d’un non-partenaire depuis l’âge de 15 ans. Une femme sur cinq a été victime de violence physique et/ou sexuelle de la part de son partenaire ou ex-partenaire, depuis l’âge de 15 ans​.

La violence subie par les femmes en raison de leur genre est un phénomène mondial qui perdure malgré les législations européennes. En Belgique, plus de 45 000 dossiers sont enregistrés par les parquets chaque année. On estime qu’il y a eu plus de 120 féminicides en Belgique depuis 2017 et le nombre de femmes excisées, ou risquant l’excision, est estimé à 25 000.

Chiffres sur les violences faites aux femmes en Europe et en Belgique : 
1 femme sur 5 a été victime de violence physique et/ou sexuelle de la part de son partenaire ou ex-partenaire depuis l'âge de 15 ans.
On estime qu'il y a eu plus de 120 féminicides en Belgique depuis 2017.
1 femme sur 3 a subi des violences physiques de la part d'un partenaire ou d'un non-partenaire depuis l'âge de 15 ans.
En Belgique, près de 25000 femmes sont excisées ou risquent de l'être.

Au niveau mondial, les femmes représentent la moitié des personnes migrantes. En Europe, 30% des demandes de protection internationale sont introduites par des femmes, en Belgique le taux de demandes de protection internationale introduites par des femmes s’élève à 30 à 40%.

Plus de 50% des titres de séjour pour regroupement familial sont délivrés à des femmes. Enfin, les femmes en situation de migration représentent 79% des conjoints dans la procédure de regroupement familial​.

La situation particulière des femmes migrantes face aux violences

Le regroupement familial est le premier motif d’entrée en Belgique des femmes migrantes. Ces femmes en situation de migration constituent un public particulièrement vulnérable, du fait de leur dépendance, mais aussi à cause de leur statut de femme. En effet, tout au long de leur parcours migratoire, elles sont confrontées à de nombreux risques tels que les mariages forcés, les mutilations génitales, les viols de guerre ou encore les violences sexuelles et/ou conjugales. Selon le CIRÉ, la plupart des migrant.e.s victimes de violences conjugales ou intrafamiliales rencontrées sont venu.e.s en Belgique rejoindre un.e conjoint.e/partenaire/parent par regroupement familial.

De plus, dans la plupart des cas, une fois arrivées sur le territoire belge, ces femmes se heurtent à la dépendance administrative et/ou conjugale. Parfois en situation irrégulière et confrontées à la barrière de la langue, à l’isolement ou encore à la peur de s’adresser aux autorités, certaines femmes migrantes ignorent tout de leurs droits. De ce fait, elles ne peuvent pas bénéficier des mesures de protection.

Il apparaît ainsi tout à fait essentiel de prendre des mesures, afin de renforcer l’accès à l’information et la protection de ces femmes, en leur garantissant le droit de vivre sans violence.

La loi du 15 décembre 1980 (loi sur le séjour des étrangers) : quelles protections pour les femmes migrantes ?

Selon cette loi du 15 décembre 1980, les bénéficiaires du droit au regroupement familial doivent respecter certaines conditions pendant 5 ans. Parmi ces conditions, on retrouve l’obligation de justifier de revenus suffisants, de disposer d’une assurance, mais aussi l’obligation de la vie commune. Ainsi une séparation de fait peut justifier le retrait de l’autorisation de séjour par l’office des étrangers.

Toutefois, il y a des exceptions à ces obligations. Celles et ceux qui ont rejoint un citoyen belge ou européen peuvent voir leur séjour maintenu, même en cas de séparation de fait, s’ils justifient d’une vie commune d’au moins 3 ans (dont 1 an en Belgique) et de revenus suffisants, ou s’ils bénéficient d’un droit de garde ou de visite pour un enfant citoyen belge ou européen, ou encore s’ils sont victimes de violences conjugales.

Les personnes étrangères ayant rejoint un étranger en séjour en Belgique, dans le cas d’une séparation de fait, ne peuvent prétendre à un maintien de leur droit de séjour uniquement si elles sont victimes de violences conjugales.

La loi sur le séjour des étranger prévoit deux clauses de protection, pour les conjointes et filles de citoyens belges ou européens et pour les conjointes et filles d’étrangers en séjour illimité.

Clauses de protection de la loi du 15 décembre 1980.

Il y a donc, en pratique, une différence de traitement entre la situation des conjointes et filles belges ou européennes et les conjointes des pays tiers à l’Union Européenne, ce qui constitue une violation des articles 10 et 11 de la Constitution selon un arrêt de la Cour constitutionnelle du 7 février 2019 (n° 17/2019). C’est ainsi que l’Office des étrangers n’exige plus cette condition de revenus suffisants.

Ces clauses de protection doivent être mobilisées dans les plus brefs délais en cas de séparation de fait, afin d’éviter le retrait du titre de séjour par l’Office des étrangers. En cas de retrait, il est possible d’intenter un recours en annulation auprès du Conseil du contentieux des étrangers. Il s’agit toutefois d’un recours en légalité, dès lors, il est impossible d’apporter des éléments de preuve qui n’auraient pas été, au préalable, transmis à l’Office des étrangers.

On voit donc que ce cadre de protection belge connaît de nombreux obstacles :

  • Délais court pour activer les clauses de protection et fournir les preuves de violences à l’office des étrangers.
  • Clauses ne protégeant pas toutes les victimes car elles s’appliquent uniquement à ceux qui ont déjà un titre de séjour, dans le cadre du regroupement familial.
  • Faibles possibilités d’hébergement : saturation des places en centres d’accueil donnant priorité aux personnes dont le titre de séjour est le plus stable (problème pour les personnes précaires et en situation irrégulière).
  • Manque d’information des victimes de violences sur leurs droits.

Les dispositions de la Convention d’Istanbul

La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, aussi appelée Convention d’Istanbul prévoit des dispositions spécifiques pour les femmes les plus vulnérables. C’est le cas des femmes en situation de migration, demandeuses d’asile et bénéficiaires du droit au regroupement familial, qui sont soumises à l’obligation de vie commune. La mise en œuvre de la Convention a fait l’objet d’un rapport d’évaluation par le groupe GREVIO (groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique) en septembre 2020.

Les Recommandations au Conseil de l’Europe présentées dans le Rapport alternatif de la coalition “Ensemble contre les violences

Lors de ce colloque, Maria Miguel Sierra, directrice de l’association La Voix des Femmes a présenté les recommandations de la coalition “Ensemble contre les violences​”. Fruit de la coalition d’une soixantaine d’associations, ce rapport alternatif présenté au Conseil de l’Europe regroupe des recommandations spécifiques et générales.

Voici les recommandations générales :

  • Prévoir un budget spécifique : 2% du PIB pour permettre une action efficace.
  • Créer un centre d’expertise autonome afin de récolter des données, mener des recherches, et coordonner les formations.
  • Développer une politique globale de prévention en collaborant avec la société civile.
  • Financer des formations obligatoires et régulières des professionnel.les.
  • Garantir accueil, protection, et suivi adéquats des victimes et de leurs plaintes.
  • Créer une loi cadre contre les violences faites aux femmes, couvrant toutes les formes de violences.
  • Garantir l’accès à des services et places d’hébergement accessibles à toutes les femmes.
  • Augmenter les places d’hébergement et de services ambulatoires.
  • Créer un fond spécifique pour les victimes de violences, alimenté par les indemnités exigées aux auteurs.
  • Introduite un titre individuel de séjour et une protection aux femmes migrantes victimes de violences, quelle que soit leur situation en matière de séjour.

Les mesures complémentaires évoquées par Christie Morreale, Vice-Présidente du Gouvernement wallon, Ministre de l’Emploi, de la Formation, de la Santé, de l’Action sociale, de l’Egalité des chances et des Droits des Femmes

Christie Morreale a également pris la parole lors de ce colloque, afin de présenter les mesures complémentaires mises en œuvre dans la région Wallonne, afin de protéger les femmes en situation de migration arrivant en Belgique. La vice-Présidente du Gouvernement wallon a rappelé qu’il était nécessaire de mutualiser les ressources et de renforcer la collaboration entre les différents pouvoirs, afin garantir aux femmes migrantes le droit de vivre sans violence.

Ainsi le plan intra-francophone de lutte contre les violences faites aux femmes prévoit près de 65 mesures et projets pour renforcer la prévention et la protection de ces femmes. A cet égard, la brochure “M​igrant.e et victime de violences conjugales : quels sont mes droits ​?” a été traduite dans 13 langues différentes, afin d’en assurer son efficacité.

De surcroît, suite à la hausse des violences conjugales pendant le confinement, la volonté de généraliser le dispositif pharmacie et d’améliorer le suivi et l’accompagnement des victimes s’est renforcée. Quant à l’hébergement des victimes de violences, les maisons d’accueil étant saturées, le gouvernement wallon souhaite que soient octroyés des moyens supplémentaires dans le cadre d’un appel d’offres.

Le travail des associations

Lors du colloque, quelques associations belges ont pu présenter leur travail et leurs projets pour aider les femmes migrantes victimes de violences.

Amancay Egas Torres du Collectif des Femmes, a expliqué que le Collectif se veut d’accompagner les femmes migrantes et belges victimes de violences, en réalisant un travail d’accompagnement social et juridique pour leur faciliter l’accès à la justice.

Béatrice Bashizi, directrice de l’ASBL Caravane pour la paix et la solidarité a par la suite présenté le travail réalisé pour accompagner et informer les femmes migrantes victimes de violences. Enfin, Mélanie Jocquet, coordinatrice des activités en Wallonie pour GAMS Belgique a présenté le projet A​ccess.EU​, lancé par le GAMS avec MDM et Forward UK, qui vise à faciliter l’information et la protection des femmes migrantes.

Lien vers le document reprenant les revendications et recommandations, tous niveaux de pouvoirs confondus, issues de ce colloque :

https://drive.google.com/file/d/1u7TkInxy9QuDJlZfi1-P6PZ3ZraCTypB/view?usp=sharing

Sources :

Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) : ​Enquête sur la violence contre les femmes à l’échelle de l’UE,​ publiée en 2014.
​Amnesty International : ​Chiffres sur la violence conjugale
Powerpoint présenté par Coralie Hublau lors du colloque, coordinatrice de l’action politique au CIRÉ-asbl
Arrêt de la Cour constitutionnelle du 7 février 2019 (n° 17/2019)
Brochure “Migrant·e et victime de violences conjugales: quels sont mes droits?”, site du CIRE


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